Côtes de la presqu'île Joffre, premières à être sorties de la brume.
Îles de la désolation, terminus du train
Le réveil est bien difficile dans l’épaisse brume qui nous attend ce vendredi 10 novembre au petit matin. À 4h30, la passerelle est encore bien vide et le Marduf est calme, il se rapproche en direction de Port Couvreux à marche lente. Nous ne voyons pas encore les rives de l’archipel qui sera bientôt notre maison, alors nous attendons et nous scrutons la brume aux jumelles, comme si les îles allaient nous sauter à la figure.
Écoutez ces terres, elles vous disent que vous ressemblez à vos ancêtres, et que vos enfants vous ressembleront.
Il est facile d’imaginer la désolation d’Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec lorsqu’il découvrit l’archipel il y a plus de 250 ans. La côte qui a fini par s’offrir devant nous fut d’abord une tâche sombre dans le brouillard qui ne faiblissait pas, puis commença à apparaître de plus en plus distinctement : la presqu’île Joffre apparue sur notre droite, et puisque nous étions déjà bien avancés dans le golf, nous furent bientôt entouré de l’archipel. Les côtes levèrent légèrement la brume nous laissant admirer les immenses paysages qui formaient l’archipel. Ça y est. On y est. Seuls quelques habitués restent impassibles face au spectacle, mais pour certains, c’est le terme d’une attente qui a commencé bien avant le début du voyage.
Tout comme pour l’archipel Crozet, l’arrivée provoque le branle-bas de combat des équipes logistiques qui équipent l’hélicoptère et préparent les différentes charges de la journée. Je suis prévu sur le ravitaillement de deux cabanes ! Mes ardeurs furent vite calmées par la météo typique de l’archipel qui empêche l’hélicoptère de décoller. Les opérations sont rapidement annulées et le Marion reprend sa route vers Port-aux-Français. Le tour de l’ile est long, alors nous arriverons que le lendemain matin.
Port-aux-Français
Ce fut étrange de voir pour la première fois cette base que j’avais déjà beaucoup vu en photo, et encore plus étrange de descendre enfin à terre ! À Kerguelen, tout le monde descend du bateau et ce, dès le premier jour. Alors à 8h, on a été appelé sur la passerelle pour prendre l’hélicoptère et à peine quelques minutes plus tard nous étions accueillis par une foule d’hivernants et un café chaud. On dit bonjour à tout le monde, on prend un rapide café et je suis directement emmené par mon prédécesseur faire une petite visite de la base et découvrir mes quartiers. Les informations sont nombreuses le premier jour et il faudra bien quelques semaines pour connaître cette base qui, sans être immense, offre son lot de recoins et de spécificité. De ces dernières, celle qui frappe le plus directement est la présence en quantité déraisonné de lapins, de goélands (dominicains), d’éléphants de mer et autres manchots royaux. Tout une faune niche sur la base et nous sommes clairement pas les seuls à habiter ces terres.
Je n’ai guère le temps de visiter davantage, car comme les opérations logistiques de la veille ont été annulées, de nouveaux ravitaillements sont organisées depuis la base de Port-aux-Français et je décolle dans la foulée pour rejoindre une cabane au nord de la péninsule. Quelle expérience de survoler Kerguelen en hélicoptère ! On enchaîne les opérations de la journée qui me permet de visiter des cabanes dispersées sur l’île et de voir ces abris qui seront nos maisons durant les différentes “manips” que nous feront au cours de l’année. Le but est le même qu’à Crozet, créer des postes avancés, mais ici leur nombre est décuplé et l’archipel entier en est couvert. Au début de la campagne d’été, ce sont les grand travaux de printemps : les déchets de l’hiver sont ramenés et les cabanes ré-approvisionnées. Quelques travaux sont également prévus pour réparer l’usure de l’année passée.
La cabane de Baie Charrier à laquelle nous avons ajouté un module durant l’OP.
Le reste de l’OP passa très vite, tant les occupations sont nombreuses. Jamais dans ma vie je n’eus à faire des choses si différentes en si peu de temps et on comprend facilement pourquoi l’Institut Polaire demande beaucoup de polyvalence dans ses profils de recrutement. Tout est nouveau et on ne réalisera que plus tard l’immensité de ce que l’on a vécu. Quelques jours plus tard, on dit au revoir aux collègues qui partent à Saint-Paul et Amsterdam et ça y est. Dans une grise soirée, la corne de brume du Marion Dufresne sonne l’appareillage, les sirènes de la base font écho. L’île est maintenant sous notre garde et notre mission commence, enfin.
Au moment où je termine cet article, j’ai plus d’un mois de retard sur le blog ! Je fais de mon mieux pour trouver un peu de temps, mais c’est loin d’être évident. La suite arrive dès que possible :)
Il est arrivé ici !