Opérations sur une station sismique à Val Studer
Tu te réveilleras dans une autre vie
La troisième et quatrième OP (Opération Portuaire) de l’année ne sont séparées que d’un mois et l’Institut Polaire profite de cela pour former des périodes de passation pour chaque VSC. C’est la période où l’on apprend le plus important et l’où on met la théorie en pratique. C’est aussi le mois où l’on fait le plus de choses différentes pour étudier et découvrir la diversité de nos activités. Un mois durant, la base est en pleine effervescence, les couverts sont nombreux et nous, nous découvrons notre année.
Un monde à découvrir
Nos prédécesseurs vivent dans un monde bien différent de celui qui était alors le nôtre. Plein d’étrangetés sont banales, et où plein de banalités sont étranges. 100 km/h de vent n’est pas remarquable, recevoir un appel surprend tout le monde (cela arrive malgré tout dans les bâtiments de travail où nous avons un peu d’internet). Ils ont beaucoup d’habitudes qu’il faut prendre, la vie de base est cadencée par les repas, mais il n’y a pas une journée qui se ressemble. Le vocabulaire aussi est très jargonneux, typique de la vie dans un cercle social fermé, il a même un nom, le taafien !
Très vite après l’OP, je suis proposé pour un départ en “manip’” (trek scientifique en dehors de la base) : ces sorties se font avec un minimum de trois personnes pour des raisons de sécurité et toute la base est donc amené à accompagner les scientifiques. Dans le cadre de mon rôle, et de celui de mon binôme électronicien, cela est particulièrement vrai, car nous disposons d’habilitation spécifique au travail en hauteur, indispensables pour certaines cabanes. Enfin, nous devons aussi faire des manips’ dans le cadre de notre mission, pour le déploiement et l’entretien de systèmes autonomes répartis sur l’archipel et la logistique des cabanes. Ce sera dans la vallée glaciaire de Val Studer, à quelques heures de marche de la base, à la fois pour accompagner un programme d’écobiologie et entretenir une station sismique. Une bonne première mise en jambe !
Ce fut une vraie première aventure dans l’aventure, la météo étant typique. Nous avons marché plusieurs heures avec 80km/h de vent de face dans une pluie fine, c’est un sacré accueil !
Bulletin météo de la journée de transit.
L’expérience est nécessairement incroyable, nous remontons dans une large vallée glaciaire pour atteindre la cabane, le spectacle est de taille. Je crois qu’il est difficile de se sentir plus au bout du monde lorsque nous arrivons : nous sommes à 12h d’avion, 12 jours de bateau et un jour de marche de la métropole. C’est une sensation toute particulière qui a quelque chose de superbe et reposant. Le paysage est grandiose et impressionne par son immensité : nous marchons sur une vieille terre qui fut volcanique il y a des années de cela.
La cabane est assez spacieuse, surtout pour quatre personnes, et offre un confort comparable aux cabanes de montagne que nous trouvons dans les Pyrénées ou les Alpes. Nous travaillons en journée et le soir est tranquille, nous cuisinons, discutons et jouons. Ce fut pour moi l’occasion d’apprendre à faire du pain, petit luxe rendu possible par la présence d’un four. Un papier scientifique laissé dans la cabane surprend notre imagination : bien qu’il n’y en ait plus un seul aujourd’hui, fut une époque pas si ancienne où l’archipel était couvert d’arbres !
Le premier Choux de Kerguelen que j’ai vu, une espèce endémique typique de l’archipel.
Nous restons trois jours à la cabane, c’est court, mais suffisant pour découvrir ces opérations et se rendre compte que l’on prend toujours trop de choses dans notre sac. Des manips’ comme celle-ci, je serai amené à en faire de nombreuses dans l’année à venir, et avant même la fin du mois, j’ai eu l’occasion d’aller sur l’île Verte, l’une des îles du Golf.
L’île Verte
Cette fois, je découvre l’autre moyen de se rendre dans une cabane : le chalant ! Un bateau à fond plat pour nous déposer sur la petite île Verte dans le fond du golf. Cette fois, la manip’ sera moins physique, car nous restons sur place pour mener nos travaux.
Cabane de l’île Verte.
C’est encore un autre décor qui s’offre à nous, entouré de Prion Bleus, de la Désolation, de Skua et plein d’autres encore. L’endroit est particulièrement vivant et remarquable !
Une vraie vie d’ingénieur réseau
Dans tout ça, je ne vous ai même pas parlé de ma principale raison d’être sur cette base. Je suis ingénieur système et réseau, en charge de l’ensemble des infrastructures scientifiques pour l’Institut Polaire. En pratique, mon rôle demande beaucoup de polyvalence, et ça, je l’ai vite compris lors de la passation. J’interviens sur une vaste variété de systèmes, y compris sur le terrain, avec différentes contraintes typiques des milieux isolés (typiquement avec la photo de couverture de cet article). La situation fait également qu’il faut une très forte autonomie et connaissance des systèmes, car tous les travaux se font (presque) sans internet et je suis le seul sur base à avoir ces compétences spécifiques.
Avec Félix, mon binôme électronicien, nous formons l’équipe des “GéoPhy” (abréviation de Géophysiciens, historiquement liée à certains capteurs que nous maintenons) recouvrant une bonne partie du spectre de compétence technique pour le soutien aux scientifiques. Je vous prépare un article un peu plus détaillé sur nos activités, mais ce n’est pas pour tout de suite 😉
En attendant, la passation se termine et il y a de nombreux travaux intéressants en perspectives : les défis posés par les conditions du terrain sont assez uniques.
OP4 et début de la campagne d’été
Nos prédécesseurs ont tiré leurs révérences le 16 décembre et nous ont laissé la base pour accueillir les campagnards d’été de la saison 2023-2024. D’ici la fin d’année, on continuera à prendre en main la base pour mener à bien tous les projets de 2024 ! Je vous ferai un nouveau post d’ici peu !