On dirait le sud 🇹🇫

Un hivernage dans les quarantièmes rugissants

Le Marion Dufresne au port à la Réunion

La croisière s'amuse

C’est un fameux trois mâts…

C’est une drôle de sensation qui nous a traversée la première fois que nous voyons le Marion Dufresne : après un réveil bien matinal, nous sommes arrivés au Port peu avant 9h et nous avons découvert cet impressionnant bâtiment qui amène des Hommes dans les TAAF depuis près de 20 ans. Voir ce navire de 120 mètres de long en vrai est à la fois impressionnant et excitant. Nous l’avons tant vu en photo et en vidéo, plus encore ces derniers mois, et maintenant c’est une réalité. Alors évidemment, tout le monde court partout, on veut tout voir et on prend des photos dans tous les sens. L’embarquement terminé et un exercice d’évacuation plus tard, c’est déjà l’heure d’appareiller.

Le départ n’a laissé personne indifférent, c’est l’instant qui marque le début de la dernière grande étape avant les îles. Pour la plupart, ça fait plusieurs mois que nous pensons qu’à cela et que nous nous y préparons. Il y eut des rires, des pleurs (de joie !) et des silences. Après avoir été rejoint par notre bel hélicoptère, nous vîmes la Réunion s’éloigner sur un couché de soleil. Tout passa très vite, et nous nous retrouvâmes rapidement au milieu de l’océan Indien à attendre l’arrivée à Crozet.

Heureusement, les activités sur le Marion ne manquent pas. Les premiers jours sont occupés par les formations de toutes sortes : biosécurité (apprendre à nettoyer ses affaires de fond en comble pour s’assurer que nous apportons aucunes espèce exotique sur les îles), médical (une sorte de PSC1, mais version “le premier hôpital est à quatre jours de marche”), fonctionnement des bases (comment on se nourrit, comment on gère les déchets, etc.) et comment on prend l’hélicoptère. Le tout est rythmé par les deux services de repas, midi et soir, qui sont pris à l’horaire très précisément. On mange bien ! Trop, bien sûr. Nous sommes sur un bateau français et ça se voit, les efforts des équipes cuisines donnent des services dignes d’un restaurant de haut standing. Autant dire que l’aventure polaire, on repassera, mais ce confort est bienvenue pour ceux qui, comme moi, ont le mal de mer. Malgré tout, la routine s’installe, mais le temps n’est pas long et on profite de cet instant hors du temps.

Couché de soleil depuis le Marion Dufresne

Terre ! Terre embrumée !

Cinq jours de trajet ont permis de développer de manière spectaculaire notre impatience à voir enfin ces terres. Ainsi, lorsque le commandant annonce l’arrivée le lendemain matin à 5h, tout le monde met son réveil pour être sur la passerelle à ce moment-là. Le matin était recouvert d’une légère brume, et c’est au travers de celle-ci que nous devinons les premiers contours de l’île de la Possession que nous abordons par le nord.

Les premières terres de Crozet dans la brume

L’émotion est palpable, en particulier pour ceux qui voient ce spectacle pour la première fois et ceux qui feront de cette île leur maison un an durant. Les falaises de roche sombre qui nous accueillent aux premiers abords donnent à ces îles un aspect menaçant laissant imaginer de désarroi des premiers navigateurs qui les ont abordées. Aujourd’hui pourtant, tous les passagers sont ravis par ces paysages que l’on imagine très bien balayés sans relâche par la pluie et les vents.

L’OP (Opération Portuaire) n’attend pas et la vue de ces terres a réveillé la machine logistique prête à battre son plein. Nous mouillons au nord, près de Pointe basse, l’une des trois cabane de l’île, pour procéder à un ravitaillement. Ces cabanes sont utilisées par les scientifiques tout au long de l’année comme postes avancés afin d’effectuer des études à l’autre bout de l’île (qui se trouve à 8 heures de marche environ.). Ce sont les premiers vols d’hélicoptère, et ce sont nos collègues VSC qui embarquent ! Ils ont eu l’honneur de poser le pied en premier sur leur île, vu que parmi nos nombreuses responsabilités, nous avons un support à la logistique de l’Institut polaire. Cette opération terminée, nous nous dirigeons enfin vers Alfred Faure, la base de Crozet qui se trouve de l’autre côté, sur le front est. Les hivernants débarquèrent le jour même, mais nous dûmes attendre le lendemain pour avoir cette chance. Ce n’est pas donné à tout le monde, la météo de Crozet est bien capricieuse et empêche régulièrement les visites. Alors lorsque nous grimpons dans l’hélicoptère, on réalise enfin que nous allons marcher pour notre première fois sur les terres australes françaises !

Nous sommes accueillis par nos collègues qui ont eut le temps d’une nuit pour découvrir leur base, les voir installés ainsi donne beaucoup de concret à notre arrivée prochaine ! Nous ne resterons qu’une après-midi sur la base, mais c’est suffisant pour visiter les alentours de la base, et notamment la colonie de manchots royaux de Baie Américaine, haut lieu d’étude des ornithologues de la mission. La faune est incroyable et même les plus endurcis sont émerveillés pour cette immense colonie de 50 000 individus qui s’étant devant nous.

Plan serré de la colonie de manchots

On voit également rapidement des nichages d’albatros mais la météo changeante oblige un retour légèrement anticipé. Nous faisons nos au revoir à nos collègues pour les 13 mois à venir et nous rentrons à bord.

Cap vers les Kerguelen

Le lendemain fut consacré à la fin de l’opération et on appareilla le soir même pour éviter une tempête qui venait sur nous. Le départ de l’île de la Possession nous fait passer devant l’île de l’Est, une île de taille comparable à sa voisine, classée réserve intégrale. Depuis plus de 40 ans, aucun humain n’est descendu à terre ! Nous longeons ses côtes de hautes falaises et de cirques glaciaires, nous offrant (encore un autre) impressionnant spectacle. L’île est très différente et tout autant magnifique, bien peu de mot arrivent à décrire cela et les photos rendent difficilement hommage la splendeur de ces reliefs.

Photo de l’île de l’Est

Nous croisons maintenant au 100° direction le nord de Kerguelen. La mer s’est levée avec la tempête qui nous suit, ajoutant un peu de challenge pendant les repas : difficile de manger en tenant à la fois son verre et son assiette ! L’habitude ayant fait son œuvre, nous souffrons moins du mal de mer et nous profitons davantage des derniers jours de croisière voyage. Demain, ce sera Kerguelen et l’arrivée dans notre base qui sera notre maison un an durant.

Je vous parlerai bientôt de ça !

Ps : Au moment où j’envoie cet article, je suis bien arrivé et j’ai accumulé du retard ! Je rattrape tout ça bientôt !