Ma lettre de recrutement !
Recrutement, ou Les 12 travaux d'Astérix
Mon recrutement fut mouvementé, et c’est bien peu de le dire. Plusieurs embûches se succédèrent et j’ai longtemps pensé que j’allais simplement être refusé. Je vous raconte tout ça !
J’ai candidaté pour les quatre districts, car même si j’ai une préférence pour Kerguelen, je trouve les autres tout autant incroyables, avec chacun des spécificités remarquables. Le recrutement est commun pour tous les districts et les affectations se font sur le tard, selon les préférences des hivernants sélectionnés. Il y a donc quatre places à pourvoir. Mon recrutement, à proprement parler commencera en février, la semaine suivant mes derniers partiels, lorsque je reçois un appel de l’Institut polaire : je suis convoqué pour un entretien sur Brest le vendredi 10 mars 2023 à 13h. C’est déjà une sacrée étape ! Même si je n’ai jamais eu les chiffres exacts, il semblerait que nous ne fussions qu’une vingtaine à être convoqués aux entretiens, et je ne suis pas seul. Un ami de ma classe, qui avait candidaté en même temps que moi, est également convoqué, ça aide beaucoup, car on a pu se préparer ensemble et échanger notre stress. Je réserve mon train Toulouse - Brest la veille de l’entretien (il faut bien, il y a tout de même 9h de trajet de prévu) ainsi qu’un logement sur Brest le jeudi et le vendredi soir. Je sors mes fiches de révision, car les nombreux blogs que j’ai pu lire indiquent clairement que l’entretien sera technique, avec des questions pointues, en informatique bien sûr, mais aussi en électronique et en mécanique !
Je vous avais parlé d’un recrutement mouvementé ? Eh bien, ça commence : le mardi précédent l’entretien, tous les syndicats appellent à la grève générale et reconductible. J’apprends le mardi que mon train est annulé ! Panique, panique, je prends ce que je trouve : 15h de bus pour aller à Brest depuis Toulouse, avec deux changements, à Bordeaux puis à Nantes. Départ 6h30, arrivée 21h30 ! Je suis motivé, ça va le faire ! Et puis, ça me laissera le temps de réviser (il faut bien se trouver une raison). Pour le retour, pareil, mais je peux passer par Paris dormir chez mon frère et ainsi faire le trajet en deux jours. Le voyage est très fatigant, mais je suis à Brest la veille, je n’ai plus qu’à attendre. Une petite balade dans le port de Brest de nuit me laisse admirer quelques beaux bâtiments :
Petite photo du “Pourquoi Pas ?”, un navire du recherche de l’Ifremer. Malgré sa belle taille, il est plus petit que le Marion Dufresne !
Le lendemain, je me dirige vers l’Institut polaire, sur le campus de l’Ifremer, à Plouzané (c’est excentré et il faut prendre un bus). Les entretiens étaient en deux parties : un questionnaire sous la forme de QCM puis un entretien devant un jury de cinq personnes. Il est clair que le maître-mot de cette sélection est la polyvalence. Le QCM, commun aux recrutements des VSC Informaticiens et Électroniciens, portait sur trois thèmes : informatique, électronique et “bricolage”. Les questions sont variées et brassent très large : côté informatique, on retrouve des VLAN, du VoIP, du câblage, des commandes Linux, et d’autres joyeusetés très diverses. Côté électronique, ça m’a paru plus théorique, montage à base d’AO, identification de composant, etc. “Bricolage” regroupe beaucoup de connaissances en culture générale technique, le nom des clés communes ou la couleur des câbles électriques sont quelques exemples. Vient ensuite l’entretien, assez impressionnant, car on se retrouve seul devant cinq responsables au sein de l’IPEV au milieu d’une grande pièce vide. Les questions portent à la fois sur la motivation, mes compétences techniques et sur le social. On demande de parler de soi, ce qu’on aime faire et ensuite on nous propose des mises en situation. Dans l’ensemble, tout semble s’être plutôt bien passé, j’ai répondu à la quasi-totalité des questions, mais je n’ai aucun retour sur le moment, il faudra donc attendre.
Premier passage à l’Institut polaire : la météo est typique, mais au moins, on est dans l’ambiance.
L’attente ne durera qu’une semaine, le 17 mars, je reçois un appel, je suis convoqué aux entretiens médicaux le vendredi 7 avril sur Paris ! Encore en grosse étape ! Je n’ai toujours pas les chiffres exacts, mais il semblerait que nous fussions entre six et huit informaticiens convoqués, pour quatre places au final. Cette fois, je ne mise pas sur le train, trop risqué, je préfère l’avion ! Je réserve un vol Toulouse - Paris la veille de mon entretien au soir, ainsi qu’un logement à côté du centre médical d’Air France où se passent les premiers entretiens.
Devinez quoi ? Les contrôleurs aériens annoncent une grève de deux semaines peu avant mon rendez-vous 🤦 J’attends donc jusqu’au jeudi soir si mon vol est annulé ou pas. Le jeudi matin, je reçois un SMS comme quoi mon vol est maintenu. Ouf ! Mais ce ne sera pas sans encombre, mon avion aura plus de 2h de retard, me faisant à arriver à mon hôtel minuit passé ! Je dors comme je peux, et je me présente le lendemain aux entretiens.
Au passage, fort heureusement, l’IPEV rembourse les frais de transport pour toutes les convocations, ce qui est particulièrement bienvenu en cette période de grève générale.
Les entretiens médicaux sont très, très, (j’insiste, très) complet : prise de sang (10 flacons !), test d’urine, audiogramme, électrocardiogramme, test d’équilibre, test de réflexes, diverses radiographies et entretiens psychologiques l’après-midi. Dans mon cas, une partie de l’entretien psychologique se fera en décalé, la psychologue n’étant pas disponible. Ce sera un entretien par WhatsApp deux semaines plus tard qui conclura la première batterie de tests (après avoir relancé le service médical qui, semble-t-il, m’avait oublié). De manière générale, les tests sont assez stricts, et il existe de nombreux motifs invalidants (j’ai lu dans un ancien blog que le taux de refus médical n’est pas loin du tiers). Une liste (datant de 2019) des critères médicaux vérifiés est disponible en ligne, ce qui peut vous donner une idée de vos chances de réussite. Alors suis-je apte ? Tous les voyants sont au vert, mais un détail pose problème : enfant, j’ai fait une réaction allergique à un médicament, et ils veulent que j’explore cela, et me demande un rendez-vous chez un allergologue. Problème, et c’est ce qui m’avait empêché d’effectuer cette exploration plus tôt, le temps d’attente pour avoir un rendez-vous chez un allergologue capable d’évaluer des allergies médicamenteuses est incroyablement long (comptez six mois si vous êtes mobile France, un an sur Toulouse). Je demande alors au service médical des TAAF une lettre précisant mes impératifs de temps, et je pars à la recherche d’un rendez-vous. Ce fut particulièrement compliqué, et il aura fallu relancer plusieurs fois différents services, avant d’être finalement admis assez rapidement dans un hôpital sur Toulouse pour effectuer le test.
Ne vous imaginez pas que les péripéties s’arrête ici ! Bien que la première exploration (qui consistait simplement à reprendre le médicament sous surveillance) semble indiquer une absence d’allergie, je fais une réaction tardive très impressionnante, qui, heureusement, se montrera bénigne après davantage d’analyses. Néanmoins, cela semble bloquant pour le service médical des TAAF, et je pense alors être refusé. Le temps passe, et j’ai d’autres rendez-vous avec l’allergologue pour déterminer quels substituts je peux prendre, ce qui me sera indispensable dans ma vie. Je n’ai toujours pas reçu de refus officiel du médecin des TAAF, alors je ne perds pas tout espoir, mais disons qu’il ne reste pas grand-chose. Je commence à passer divers entretiens, notamment dans l’entreprise dans laquelle je suis en stage depuis mars, en retournant sur mon plan original, à savoir trouver un CDI dans ma spécialité.
L’espoir de partir reviendra fin juin, lorsque deux jours avant mes examens finaux avec l’allergologue (qui doivent conclure sur ma situation), je reçois un appel du médecin me demandant de lui donner mes résultats au plus vite. Ils tomberont la semaine suivante, le jeudi 6 juillet à 9h, et ils sont bons ! J’envoie tout ça au service médical des TAAF, et six heures plus tard, je reçois mon aptitude médicale par mail 🥳 Quinze minutes plus tard, un appel de la RH de l’Institut polaire : je pars à l’automne pour les Kerguelen 🥳🥳 Quel soulagement ! Quelle joie ! Je reçois ma lettre d’admission dans la foulée, ainsi que tout le paquet administratif. J’apprendrai plus tard que mes résultats techniques étaient bons et qu’ils m’avaient qualifié pour mon premier vœu : les îles Kerguelen. Il ne manquait que le médical pour confirmer mon départ !
Même si ce ne sont que des spéculations, plusieurs éléments semblent avoir joué en ma faveur lors de la sélection, voici les plus significatifs :
- Un bon niveau technique en réseau, notamment avec des certifications Cisco
- Une autonomie importante et un côté débrouillard apportés par mon investissement des clubs d’informatique et de robotique de mon école
- Un bon niveau en randonnée et en alpinisme (car il faut parfois beaucoup marcher pour ravitailler les cabanes dispersées sur l’archipel)
- Un CV et une lettre de motivation en LaTeX 🙃
Malheureusement, mon ami ne sera pas retenu, mais il m’a dit qu’il recandidaterait ! D’après ce que j’observe parmi mes collègues, la plupart des personnes n’en sont pas à leur première candidature et n’ont été admis qu’après un second (voir troisième) essai. Je me sens chanceux d’avoir été pris du premier coup !
Parents, frère et amis prévenus de la nouvelle, il est temps de s’inquiéter : je n’ai que deux semaines devant moi pour faire mes affaires pour un an dans deux ou trois malles de 40 kg ! Elles partiront à la fin du mois (de juillet) par bateau à la Réunion !
Je vous raconte ça dans le post suivant !