Partie nord du Val Studer depuis la cabane de Port Elisabeth. C. Meymy - Institut polaire.
Être et durer
Les trois derniers mois sont passés en si peu de temps et nous sommes déjà en juillet ! L’hiver est là et installé, OP2 est dans un mois et tout s’enchaîne si vite qu’il est difficile de trouver le temps d’écrire. Un résumé et une petite mise à jour s’imposent !
Post-OP1
Le départ des campagnards d’été à OP1 laisse un vide dans la base qui est alors devenue bien trop grande pour les 43 hivernants que nous sommes. Le groupe change, devient plus intime et plus soudé : c’est l’occasion de parler davantage avec ceux que nous n’avons pas énormément vus durant l’été et de faire davantage d’activités sociales. Ce changement est accompagné par la météo qui est rapidement devenue hivernale après le départ du Marion : les températures se sont rapprochées de zéro et les pluies se sont faites plus fréquentes.
“Il n’y a pas de mauvaise météo, juste un mauvais choix de vêtements.”
L’ambiance “hivernage” est là, et finalement ça correspond probablement davantage à l’idée que l’on s’en fait. C’est aussi à cette période que l’on commence les grands travaux en vue de la prochaine campagne. Le rythme ne se calmera pas tout de suite pour autant, même si la base est plus tranquille, il y a encore beaucoup à faire.
Terrain sérotinal
Nous continuons à sortir, souvent pour de longs terrains complexes à réaliser l’été à cause des emplois du temps chargés. Les “manips’” demandent plus de préparation : nous sommes davantage isolés et surtout, la météo est moins clémente. J’ai eu la chance de sortir dans plusieurs endroits incroyables que je n’avais pas pu voir en été, notamment l’Ouest de Courbet montagneux et la presqu’ile Ronarc’h qui m’ont offert de magnifiques paysages.
Vallée du Charbon dans le Nord de Courbet.
À partir de fin mai, la neige s’installera sur les hauteurs de l’archipel et y restera. Au niveau de la mer, nous alternerons alors des semaines enneigées avec des semaines plus chaudes. C’est un paramètre qui change la façon de gérer les trajets et les efforts physiques, mais qui offre un nouveau regard sur l’archipel et des paysages époustouflants. Ainsi, toutes les manips sont plus mémorables les unes que les autres. Les journées sont aussi plus courtes, alors on part souvent à l’aurore pour arriver au crépuscule et nous passons plus de temps dans les cabanes.
Rive nord de Ronarc’h au petit matin, donnant sur l’embouchure du golf.
Marcher des kilomètres durant dans la neige et dans le vent donne un vrai côté “héros polaire” et les visites médicales à rallonge prennent alors tout leur sens. C’est une agréable sensation d’être au milieu de rien et pourtant entouré de gigantesques horizons; on regarde, on se pose et on contemple.
La vie sur une base isolée
L’hivernage, c’est aussi une période où les activités sociales sur base se font plus nombreuses. En particulier, le solstice est marqué par la MidWinter, une semaine de fête historique commune à toutes les bases scientifiques australes. L’occasion d’organiser des activités variées, de faire vivre le groupe et de se créer des souvenirs. Ce fut une belle réussite à Kerguelen cette année, mais ce n’est pas tout : nous avons aussi eu le passage de l’Astrolabe sur lequel nous sommes montés, plusieurs palangriers en visites et plusieurs cérémonies militaires. Tant d’occasions pour voir des nouvelles personnes et souder encore un peu plus le collectif.
L’Astrolabe dans le golf du Morbihan de Kerguelen.
L’automne fut aussi chargé en aurores australes, notamment avec les événements de mai, qui mettent en alerte plusieurs de nos observatoires. La saison a été riche en science géophysique et c’est une drôle de chose que d’observer en face de nous des éléments que l’on mesure quotidiennement, mais qui, d’habitude, restent invisibles.
Aurore australe vue depuis le champ d’antenne de SuperDARN, radar géré par l’Institut polaire et l’IRAP. F. GERARD - TAAF.
Les travaux sont aussi davantage sur base et dans des domaines toujours plus variés, l’occasion de se faire la main sur plein de techniques et de systèmes différents. Dans le cas de Félix, mon binôme, et moi-même, c’est une ambiance toute particulière qui nous accompagne au quotidien : notre laboratoire et station satellite, où nous passons environ la moitié de notre temps de travail, étant situé à 3,5 km de la base (afin d’éviter de polluer des mesures scientifiques par la présence humaine), nous sommes donc seuls au milieu de l’immensité des Kerguelen. Un cadre unique qui nous donne beaucoup d’autonomie, aspect renforcé par la confiance de l’Institut polaire qui s’est instaurée après nos premiers mois d’hivernage.
Moi en train de réparer une antenne à Géophy, mon lieu de travail.
Non ignoravi me mortalem genuisse
Début juillet, une drôle de sensation nous prend quand nous rentrons en contact avec nos successeurs (Salut Paul ! 👋) qui viennent d’être sélectionnés pour l’an suivant. L’occasion de faire un premier bilan -je crois, très positif- de cette expérience et commencer doucement à se rapprocher du “vrai” monde.
Entre les OPs, la passation et le Marion, les derniers mois passeront très vite. Alors d’ici là, nous profitons de notre chance et de cette expérience unique qui, pour sûr, nous marquera toute notre vie.